Etre fauché fait partie du quotidien de nombreuses personnes. Certains sont pauvres, d'autres n'ont pas de travail et d'autres ne joignent pas les deux bouts malgré leur travail. Etre fauché ne peut être compris par personne à moins qu'on ne le vit au moins une fois dans sa vie. C'est ce sentiment d'impuissance et de colère qui nous anime et qui convainc que notre environnement est hors de contrôle. Chaque chose qui doit être payée est inaccessible comme un pécheur qui serait damné éternellement dans une envie sans limites. Le pire quand on est fauché est lorsqu'on travaille, mais que la bureaucratie financière vous refuse votre argent sous des noms de jours ouvrables et de procédure irrégulière. On a travaillé durement tout le mois, mais on est ruiné au dernier moment. Cette pauvreté temporaire est insupportable, car on ne la mérite pas. Une sorte d'absence et d'irréalité pendant les quelques jours qu'on doit attendre avant la bonne volonté de cette bureaucratie. L'esprit s'affole pendant ces quelques jours. Il descend les escaliers de la logique et de la raison pour entrouvrir les portes de la folie. Etre fauché est une chose, mais ne pas savoir quand on touchera son argent est une punition bien pire, une sorte d'agonie vivante comme l'expression mourir à petit feu.
Ces quelques jours d'attente peuvent faire écrouler votre monde, votre propriétaire ne vous croit pas, l'épicier du coin qui vous fait crédit ne vous croit pas non plus et chaque chose indispensable dans votre quotidien devient inaccessible. On se rend pleinement compte de l'absence de l'argent dans une tentative désespérée de croire en l'impossible. Que les banques s'ouvriront pour vous alors qu'elles sont fermées, que quelqu'un vous donnera une aide inespérée, mais il n'en est rien. L'attente se transforme en excitation puis en douce folie remplie d'hallucination. La conscience et l'inconscience deviennent floues et elles ne sont séparées que par quelques millimètres de réalité qui vous empêche de basculer dans la folie. Le plus difficile n'est pas d'être fauché, mais d'affronter le regard des autres qui juge que vous êtes déjà à la marge de la société. Si on peut critiquer le système des castes pour son injustice, on se rend compte que le système des castes existe et a proliféré depuis l'existence de l'argent. Si vous payez, vous êtes un humain, si vous ne payez pas, alors vous n'êtes rien et il faut vous mettre avec les choses qui ne servent à rien dans le dépotoir.
Etre fauché vous plonge dans un sentiment d'irréalisme, on se demande ce qui nous attend chaque jour, quelle merde va vous tomber tout en sachant qu'on n'a pas un rond pour y faire face. Le fait est que la pauvreté se différencie de la misère parce qu'on a perdu toute notre dignité. Le pire quand on est fauché est qu'on rêve de choses irréalisables, on croit dans ses rêves les plus fous. On rêve de l'argent à un point qu'on ne peut pas imaginer et on tombe souvent dans des hallucinations qui deviennent dangereuses. Il est étonnant de voir qu'un billet de papier d'une dimension de quelques centimètres contrôle chaque aspect de notre vie. Une vie constitué de poussière d'étoile puisque nous sommes les enfants de l'univers. Comment la société est-elle tombée si bas ? Comment nous avons donné le contrôle total de notre existence au veau d'or. On ne peut pas avoir de bons sentiments quand on est fauché, car on passe par la frustration, la colère et même la haine. Etant fauché, on hait ceux qui sont heureux, ceux qui n'ont aucun soucis, ceux qui disent qu'ils vont passer un bon weekend. On les traite d'égoïste ignorant toute la misère de ce monde.
40 % des jeunes vivent dans la pauvreté, les étudiants rationnent leur nourriture pour tenir jusqu'à la fin du mois. 70 % des seniors vivent sous le seuil de la pauvreté. Une expression qui en dit long sur le conformisme ambiant sur la pauvreté, Seuil de la pauvreté !! Le plafond est d'environ 780 euros, donc quelqu'un qui possède 781 euros n'est plus pauvre, mais immensément riche ? Admirable mirage de la société moderne qui broie les plus faibles. Si les jeunes et les seniors sont dans une constante pauvreté, l'âge moyen de la richesse se situe entre 25 et 50 ans. Vous avez donc 25 ans pour réussir dans ce monde sinon vous deviendrez un senior honni par ses semblables plus jeunes qui vous regardent avec dégout et méfiance. Quand cesse la pauvreté temporaire, le souci ne cesse pas pour autant, car la misère plonge l'être humain dans une méfiance perpétuelle, on voit toujours le verre à moitié vide s'attendant à la prochaine catastrophe, car on a été tellement déçu par le destin qu'on ne peut pas croire que tout va bien. On profite de chaque sou qui nous reste allant même jusqu'à la dilapidation même si on sait que ce n'est pas une bonne chose.
Stéphanie est une jeune femme de 18 ans faisant des études de biologie. En apparence, elle avait tout de la jeune fille sans aucun problème, mais la réalité était tout autre. Elle joignait les deux bouts et chaque jour était un combat permanente contre la bureaucratie, contre les créanciers. Une sorte de combat perdu d’avance dans la folie de la société humaine. Un homme l’approcha pour lui proposer un travail, transporter un paquet d’un bout à l’autre de la ville pour un salaire très intéressant, trop intéressant même, mais la pauvreté supprime les moindres hésitations à franchir les limites. Elle réussi du premier coup, mais elle oublia de regarder à droite à gauche manquant le van qui la photographiait. Au bout de 2 semaines, elle avait assez d’argent pour tenir plusieurs mois et tandis qu’elle retournait fièrement chez elle, deux hommes masqués l’attrapèrent et la jetèrent dans une camionnette. Elle se réveilla dans une salle grise en béton armé avec une vitre sans teint et on lui appris qu’elle était impliquée dans un trafic clandestin d’arme. Elle savait qu’elle faisait quelque chose d’illégal, mais n’en avait cure. La sentence résonna comme un coup de tonnerre dans une nuit totalement silencieuses, 12 ans de prison sans aucun sursis. Une nuit, elle se confectionna une lame avec un miroir et elle se taillada les veines sur les deux avant-bras en deux endroits. Et elle s’endormit tentant d’ignorer la douleur et la froideur qui commençait à s’insinuer dans tout son corps. Sa dernière image fut d’une pièce de monnaie au plafond que quelqu’un d’autre avait dessiné. Au moment d’incinérer son corps, l’un des matons déclara : L’argent l’a tué.
Texte sous écriture automatique.