9/13/2012

Comprendre le Soufisme en Islam

 

Les débuts du soufisme en Islam
L'amour de Dieu et l'extase dans le soufisme en Islam

La loi morale proclamée par Moïse, il y a plus de trois milles ans, est toujours d'actualité dans les gouvernements actuels. Mais ces lois sont parfois corrompues par les nombreuses évolutions de la culture. Les préceptes moraux du Bouddha trouvent un écho dans le mouvement Gospel. Les péchés décrits par le Livre des Morts de l'Egypte Antique qui dit que les hommes répondront au jour du Jugement sont toujours des péchés aujourd'hui. Les religions sont différentes en surface, les guerres se font et se défont pour une cause ou une autre, mais la recherche du Divin est le point commun de toutes les religions. Tout le monde recherche le Divin de l'ermite dans sa caverne jusqu'au grand scientifique qui explore les profondeurs de l'univers. Mais chacun essai d'adopter une loi morale gouvernée par son coeur. L'idée de Dieu n'est pas une affaire de compréhension, mais de sensations et de conscience. Et c'est la principale racine du soufisme en Islam. Le soufisme est attirant pour de nombreuses personnes, notamment ceux qui ont souffert de malheurs tout au long de leur vie. Ce type de personne pense au bout du compte que le malheur et la souffrance sont une fatalité et il prend des décisions en conséquence qui concernent l'éloignement du monde et une retraite dans un lieu isolé où il peut augmenter sa perception avec le monde immatériel. Chaque religion utilise une part des émotions et donc, chaque religion possède une part de mysticisme. Sans le mysticisme, la religion ne serait pas attirante, car elle ne serait qu'une suite de rites et de protocoles. Le mysticisme est le grain et les protocoles sont le moulin qui transforme cette grain en quelque chose de palpable.

Le mysticisme chrétien et musulman ont beaucoup de points communs et certains espèrent que cette proximité sera le pont qui unira les deux religions et par ce fait, contribuera aussi à effacer les différences et les doutes du monde moderne entre le chrétien et le musulman. Chaque religion essai de personnifier l'idéal divin. Les Moutazilites (ou les libres penseurs de l'Islam), se sont réveillés et combattus au moment où l'Europe connaissait sa pire période de troubles. Ils ont continué à travailler en silence et ont finalement imposés leurs doctrines comme l'une des meilleures de l'Islam contemporaine. Une doctrine qui refuse de voir les différences religieuses, ethniques, des Imams et toutes ces sortes de séparations qui continuent à provoquer des guerres. Le soufisme permet de se recentrer sur les valeurs profondes de la religion avec la recherche de la vérité en soi et qui est éloigné des dogmes parfois tyranniques et inutiles de l'Islam classique. Les soufis ont été beaucoup persécutés. Le sultan Mohammad V se promenait avec une ceinture qui était décorée par des têtes des derviches tourneurs, cette fameuse secte soufi fondé par le célèbre Jalaluddin Rumi. Il y a plus de 140 ans, le persan Mirza Kasim écrivit ses mots qui résonnent encore dans le monde moderne :

"L'unique voie qui dans l'Islam puisse conduire à la reforme c'est la doctrine du mysticisme."

 

Les débuts du soufisme en Islam

 

La période qui amena l'ère du soufisme se situe dans le troisième siècle après la mort du Prophète. Si la pratique du soufisme et de l'ascétisme a toujours existée, cette période amène un changement notable qui est le recherche de Dieu par la méditation et de la relation de l'humain avec le reste du monde.

Le premier homme qui a introduit ce nouveau soufisme était un pauvre travailleur de coton qui s'appelait Hellaj. C'était un Perse arabe né en Perse, mais qui étudié en Irak où il a bénéficié de l'enseignement de Junaj. L'histoire de sa vie a été, soit complètement occultée par les écrivains sunnites tandis que les écrivains chiites l'ont exagérée. Mais le fait est qu'il avait beaucoup de disciples et qu'on prétendait qu'il était à l'origine de nombreux miracles. Les dignitaires religieux et orthodoxes ont étés scandalisés par cette nouvelle forme d'Islam et il a été exécuté aux environs de 922. On estime que les tortures qu'il a subies sont parmi les pires qui ont étés infligées à un être humain. La légende raconte qu'il les a supporté avec un sang-froid remarquable.

La raison de sa condamnation par les Mollah orthodoxes était qu'il se prétendait lui-même comme un Dieu. Ses disciples l'ont honorés comme un Saint après sa mort. Ils l'ont toujours vénérés, car il avait l'habitude de dire :  Je suis la vérité qui devait être interprétée au second degré. Ses disciples voyaient en lui un prophète similaire à Jésus qui est aussi vénéré comme une forme du Divin par les chrétiens. Voici la prière des pratiquants pour cet homme :

Prière au Tout-Puissant qui a révélé son humanité et sa splendeur divine. Celui qui a été purifié et protégé de tous les mauvaises choses dans ce domaine par l'abstinence. En lui, dans lequel, le Divin est entré comme il l'a fait pour Jésus. S'il atteint la perfection, ce qu'il a fait et fera, ne sera rien sauf la volonté de Dieu.

On n'a que des fragments de la vie de cet homme, mais les disciples le considéraient comme d'origine divine. La principale accusation contre Hellaj en prétendant qu'il était une incarnation du divin et qu'il était la vérité a été balayée par ses disciples, car c'est uniquement au sens figuré. C'était sa manière d'exprimer son amour intense et son extase pour Dieu. Ainsi, Hellaj aurait déclaré ceci pour exprimer sa pratique :

Le premier voile entre Dieu et son serviteur est l'âme de ce serviteur. Mais la profondeur du coeur humain est illuminé par la lumière céleste. Et cette lumière reflète également la présence de Dieu ce qui permet d'englober l'univers tout entier. Si un homme porte son regard vers cette lumière alors tout son coeur et son être sont illuminés et l'expression Je suis Dieu s'échappe involontairement de sa bouche. S'il fait la moindre erreur dans ce regard, alors il tombe dans les profondeurs du désespoir. C'est avec la pensée qu'il peut percevoir l'infime partie du Tout Puissant plutôt que par des pratiques pour obtenir plus de lumière. Et la lumière divine est parfois si intense qu'il se confond avec le Divin le faisant prétendre comme étant une partie de Dieu. Comme la couleur d'une image dans un miroir est parfois confondue avec le miroir lui-même.

Hellaj nous dit un concept qui n'est pas nouveau dans l'histoire de l'Humanité. N'oublions pas ses origines indiennes qui ont étés combinées avec le soufisme en Islam qui lui ont permis de donner une nouvelle direction à ses réflexions. Ces réflexions proposaient une approche diamétralement opposée à ceux de l'Islam classique. Mais l'incarnation de Dieu dans un humain a été abordée à plusieurs reprises dans l'Islam. L'Imam Ali était considéré comme tel et il était vénéré de cette manière par les Chiites. La secte des Khattabiah vénérait l'Imam Jafar Sadik comme un Dieu. Une autre secte qui croyait la même chose était celle qui concernait Abdallah Ibn Amr.

Parmi les Khurassaniens, une opinion largement répandue est qu'Abu Muslim, le grand général qui a vaincu la dynastie des Omeyyades, était une incarnation de l'esprit de Dieu. Dans la même région sous Al Mansour, le second calife des Abbasside, un leader religieux appelé Ostasys se prétendait aussi être une émanation de Dieu. Sous le Califat de l'Imam Mehdi, un personnage nommé Ata Arose qui portait en permanence un masque d'or se faisait appeler Mokanna (le prophète voilé). Il a fallu de nombreuses batailles et des massacres pour que l'Islam classique arrive à supprimer ces penseurs divergents.

A la fin du deuxième siècle après la Prophète, Babek enseigna la transmigration de l'âme et les principes du communisme. Ses pratiquants ont résistés pendant longtemps aux troupes du calife. Il prétendait que l'âme d'un ancien grand penseur nommé Bod était passé à travers lui. Sans doute voulait-il faire allusion au Bouddha. C'est un fait bien connu que les enseignants Chiites étaient très actifs en Perse. Pendant le règne de l'Imam Ali comme dans le cas d'Abu Muslim, nous trouvons des idées  étranges qui sont liées aux Perses de l'époque pré-islamique. Le mélange de l'incarnation divine dans l'homme avec les avatars Hindous étaient aussi populaires en Perse. A Bagdad, pendant l'époque des premiers Abbasides, les Perses ont exercés une grande influence. Les Chiites étaient libres de professer leurs points de vue sous le Califat de Mamoun. Bagdad a subit cette influence avec les nombreux communautés qui pratiquaient la doctrine Chiite et la perception divine dans l'humain des Perses était aussi secrètement pratiquée.

Hellaj, qui a été éduqué dans une école Sunnite de Junaid, était obsédé par l'amour de Dieu et il possédait une personnalité plus mystique que charismatique. Au début, il a caché ses nouvelles idées sur le soufisme, mais il le pratiquait secrètement dans sa prière. Une fois que la population a été préparée pour ces nouvelles idées, sa seule personnalité a suffit pour mettre le feu au poudre. Le mot fatal de l'incarnation divine dans l'humain a été prononcé par Hellaj. Les autorités l'ont immédiatement arrêté, torturé et mis à mort. Mais une idée, une fois qu'elle a été exprimée, se disperse dans les 4 coins du vent et l'ironie est que l'exécution de Hellaj a permis à sa doctrine de se répandre dans de nombreux pays. Le martyr attire beaucoup la populace. On ne se préoccupe pas de la justesse de la doctrine, mais quand un homme meurt pour cette idée, alors les gens commencent à y croire. Quelques années après la mort de Hellaj, un homme du peuple appelé Ibn Aby Azkyr qui habitait dans le même village où Hellaj avait passé sa jeunesse, commença à prétendre qu'il était une incarnation du divin. Il a été mis à mort avec quelques uns de ses pratiquants. Un siècle après la mort de Hellaj, un égyptien appelé Ismaïl Darazy qui est à l'origine plus tard de la communauté des Druzes a prétendu que le Calife Fatimide Hakim était aussi une incarnation divine.

Ces différentes mises à mort ont permis à la doctrine de Hellaj de se propager un peu partout. Ghazzali écrira deux cents ans plus tard :

Les spéculation des Soufis peut se diviser en deux classes. La première catégories se base sur toutes les phrases concernant l'amour et l'union avec Dieu ce qui les compense de toutes les autres tâches. Beaucoup d'entre eux prétendent qu'ils ont atteint une union parfaite avec Dieu. Ils prétendent qu'ils ont pu lever le voile qui protège la face de Dieu. Non seulement, ils l'ont Vu, mais ils ont également parlé avec Lui. Ils répandent l'expression qui a condamné Hellaj, à savoir, Je suis la vérité. D'autres se réfèrent à Abu Yazid Bistamy qui disait : Priez moi ! au lieu de Priez Dieu ! Ce genre de prétention est extrêmement dangereuse pour la majorité. Et c'est avéré que de nombreux marchands et artisans ont délaissés leurs occupations et ils sont restés assis à prier pour supprimer toutes les saletés de leurs âmes à travers des phases d'extases et de transes. Beaucoup comprennent l'efficacité de ces tactiques et se mettent à proclamer des expressions solennelles dans ce genre. La seconde classe de Soufis utilise exprès un langage incompréhensible compliquant la doctrine afin de prétendre qu'ils sont les seuls à posséder la connaissance.

Ces mots de l'un des plus grands penseurs musulmans nous démontre l'incrédulité et la critique envers le soufisme en Islam. Et on se rend compte que le soufisme se divise en ces deux classes. L'une qui est orthodoxe et qui se conforme aux pratiques islamiques et la seconde qui utilise la libre pensée et une approche mystique. Nous remarquons également que cette dernière forme de soufisme était plus populaire chez les paysans et les agriculteurs. La caractère fondamental du mysticisme, la poursuite de la connaissance de Dieu à travers des intuitions d'extases entre en conflit direct avec les principes fondateurs de l'Islam. L'amour mystique de Dieu est le terme rassembleur de ces pratiquants qui plongeaient dans des rêveries d'extase. Ils s'immergeaient complètement dans la contemplation jusqu'à en perdre leur personnalité et cette annihilation de soi leur permettaient d'être absorbés par Dieu. La différence du soufisme prônée par Hellaj était l'ajout de la contemplation aux pratiques ascétiques des arabes. Le concept de la contemplation et de la méditation leur étaient inconnus. Autrefois, les termes soufis et ascètes étaient synonymes, mais ils ont cessés de l'être et ils commencèrent à dévier sur des chemins différents. La crise intellectuelle provoquée par la doctrine de Hellaj s'est répandue en Perse où on a commencé à l'utiliser dans les poèmes et la littérature Farsi. De là, la doctrine s'est transmise aux Turcs et même aujourd'hui, il suffit de lire les livres de cette époque pour ressentir l'impact du soufisme de Hellaj.

 

Le livre ci-dessous vous permet de comprendre le soufisme si vous vous intéressez à ce  sujet. Le style clair et concis conviendra aux profanes.

 

 

L'amour de Dieu et l'extase dans le soufisme en Islam

 

Déjà dans le second siècle de l'Islam, une grand partie était consacrée à l'amour de Dieu. L'un des meilleurs exemples de cet amour Divin est la femme soufi Rabia. C'est elle qui fut la pionnière d'une doctrine basée sur des états d'extases et de visions qui amenaient des illuminations et des révélations divines. Ce phénomène est le résultat naturel de l'enthousiasme pour la religion islamique après le premier et le second siècle après le Prophète. Le résultat est que la doctrine de la femme soufi Rabia a naturellement trouvé un écho favorable.

L'extase est une constante invariable de l'enthousiasme religieux. La tentative de briser le réalisme quotidien par la piété religieuse et le mysticisme est attirant pour les personnes crédules. Il arrive que le concept de surnaturel prôné par une religion ne suffise plus à une personne et elle cherche sa propre voie pensant qu'elle verra mieux. Le physicien utilise les mathématiques pour corriger les erreurs de sa lentille ou de son télescope pour voir l'infiniment lointain ou petit. Par la suite, les capacités mentales du physicien s'adaptent automatiquement à la lentille et il peut voir des choses qui sont invisibles pour d'autres. Et c'est cette recherche constance de la connaissance, cette impulsion irrésistible pour quelque chose de plus grand qui constitue la base la plus noble de l'humanité. Et elle constitue aussi le futur de sa spiritualité. Mais la plupart de ces efforts pour rechercher la connaissance ont étés vains et l'homme recherche davantage pour augmenter son égoïsme et sa malveillance plutôt que le Divin.

Le phénomène produit par l'Islam dans cet aspect ne diffère pas beaucoup de ceux qui concerne le christianisme ou le bouddhisme. Le soufisme en Islam exhibe un développement plus remarquable de ce phénomène, simplement parce qu'il a grandi dans un environnement qui était propice à ce genre de recherche et de pratique.

Les musulmans ont coutume de dire que le Coran est la parole de Dieu. De ce fait, elle affecte le croyant quand il le lit. De nombreux exemples montrent des croyants qui ont étés profondément affectés par les verset du Coran. Ainsi, Abd Al Wahid ibn Zaid a entendu ces versets d'une personne qui lisait le Coran (Sourate 45 - 28 et plus) :

Voilà notre livre, il parle de vous en tout vérité, car Nous enregistrions tout ce que vous faisiez. Ceux qui ont crus et fait les bonnes œuvres, leur Seigneur les fera entrer dans sa Miséricorde. Voilà le succès évident.

En entendant ces versets, Abd al Wahid se mit à crier à pleurer à haute voix. Ainsi, on prétend que Miswar ibn Machramah ne pouvait entendre aucun verset du Coran tellement il en était affecté. Jobair ibn Motim aurait déclaré : J'ai entendu le Prophète récitait les versets suivants du Coran :

Je jure par Tur
Par un livre qui a été écrit sur un parchemin
Par la maison dont on fait le pèlerinage
Par la haute coupole du Paradis
Et par les océans houleux
Que le Jugement du Seigneur est très proche

Et je vis tout cela, déclare Jobair, comme si mon coeur allait exploser de peine et de douleur. Le pieux Cadi Ijad, pendant qu'il récitait le Coran, inspirait la terreur et la peur à ceux qui l'écoutaient.

Mohmmad ibn Mansur relate une fois qu'il passait à coté d'une maison au milieu de la nuit et qu'il a entendu un homme qui priait Dieu à haute voix, pleurant sur ses péchés. Il ne résista pas à la tentation et regarda par le trou de la serrure et entendit le verset qui menaçait les incroyants du feu de l'Enfer. Il entendu une chute brutale et ce fut le silence total. Il revint à la même maison le lendemain et vit qu'on sortait un corps de cette maison suivie par une vieille femme. Il demande à la femme à qui était la maison et qui était le corps, elle répondit : La nuit dernière, mon fils a entendu un verset du Coran qu'il récitait et son coeur s'est brisé. Aujourd'hui, nous les musulmans modernes, nous serions incrédules devant ces histoires, mais le fait est que c'était des exemples courants à cette époque par l'effet que produisait le Coran sur ceux qui le lisaient avec une foi absolue.

C'est cette époque qui a favorisé l'ascétisme en Islam et les soufis par la suite. Mais par la suite, on a tenté de cacher les origines du soufisme en Islam pour des raisons politiques, mais depuis toujours, l'homme a toujours recherché la part de Divin qui est en lui.

La propagation du phénomène d'extase parmi les musulmans était provoqué par plusieurs conditions telles que des tempéraments étranges de certains chefs arabes comme une tolérance incroyable à la douleur. Des médecins ont rapportés on Egypte que des patients ne ressentaient pendant des opérations chirurgicales alors qu'ils n'avaient reçus aucune anesthésie !

Bien que la martyrologie chrétienne est aussi riche avec ce type d'attitudes face à la douleur, celle de l'Islam a atteint des sommets insoupçonnés. L'une des raisons était due au fanatisme religieux qui s'emparait de certains musulmans et qui pensait que  l'épreuve la plus douloureuse n'était qu'un test de Dieu. L'esprit des musulmans était exercé à ce type d'attitude par des pratiques difficiles et constantes, par des pèlerinages et par des périodes de jeûnes. Le mode de vie particulier dans le désert et le lieu de la naissance de l'Islam a aussi contribué à développer ce type d'attitudes. Des jeûnes qui pouvaient durer des mois, la solitude dans le désert, l'absence de la vie civique et sociale dans les villes et la pauvreté des idées spirituelles parmi les Arabes ont exacerbés la pratique du mysticisme et de l'ascétisme et donc, du soufisme en Islam par la même occasion. En plus, il y aussi la déception, l'hypocrisie, l'utilisation de la superstition qui était utilisé par les différents Califat après le prophète ont aussi joués un rôle dans le développement d'une doctrine qui était à l'opposé des pratiques traditionnelles. Même ceux qui ne connaissaient pas l'extase en récitant le Coran ont prétendus que c'était le cas pour faire partie de ce nouveau mouvement. Ghazzali mentionne dans le livre Ihya ul-ulum que le Prophète a déclaré que celui qui n'arrive pas à pleurer lorsqu'il récite le Coran doit faire comme s'il pleurait (il doit avoir l'air triste et repentant). Par la suite, le fait de faire semblant conduira aux vraies larmes.

Quand les verset du Coran ne suffisaient plus à provoquer l'extase, des simples lignes de poèmes pouvaient aussi faire l'affaire. Une fois, le mystique Taury, se trouvait en compagnie d'autres personnes qui parlaient de questions scientifiques. Tous y prenaient part sauf Taury, qui soudain récita les phrases suivantes :

Beaucoup de colombes pleurent à la mi-journée
Tristement sous le toit du feuillage
Se souvenant des anciens compagnons et des jours qui n'existent plus
Leurs lamentations ont aussi réveillée ma tristesse
Mes pleurs les ont réveillés et souvent, ils dérangent mon sommeil
Je ne comprend pas leurs lamentations et ils ne comprennent pas mes pleurs
But, je le connais par la tristesse de leur coeur et ils me connaissent par mes pleurs

Tous ceux qui étaient présents et qui ont entendus ces versets ont étés plongés dans une contemplation d'extase.

Ibrahim ben Adham, le célèbre Soufi, une fois, a entendu ces versets :

Chaque chose est pardonnée sauf la séparation de Nous
Nous te pardonnons tout ton passé et ce qui reste est ce qui a échappé à notre Regard (cad, rien)

Ces versets l'ont mis dans une transe qui a durée plus de 34 heures. Ghazzali qui lui même était intéressé par les Soufis et il a même étudié leurs doctrines, cherche à expliquer ce phénomène étrange avec une base psychologique. Il divise les états d'extase qui sont provoquées par des récitations poétiques en 4 classes. La première, qui est la plus faible, est une grande satisfaction provoquée par la mélodie. La seconde classe est la satisfaction de la mélodie qui est combinée avec une compréhension profonde des paroles. La troisième concerne la compréhension des paroles et  de sa propre relation avec Dieu. Dans cette classe, on retrouve les apprentis du soufisme en Islam, car on doit posséder un objectif et ce dernier est la connaissance de Dieu. Pour atteindre cet objectif, le soufi doit suivre un parcours bien précis. Il doit faire plusieurs pratiques ascétiques et doit vaincre les obstacles spirituels dans ce sens. Maintenant, quand cet apprenti soufi entend des poèmes qui concerne le châtiment ou la prière, l'acceptation ou le refus, l'union ou la séparation avec Dieu et que c'est mélangé avec des lamentations propres à la poésie Arabe, cela produit une étincelle dans le coeur du soufi qui enflamme tout son être et le plonge dans une sorte de transe qui le coupe du reste du monde.

Enfin, la quatrième classe de l'extase du soufisme en Islam est celle qui concernent les maitres soufis qui ont vaincus et passé toutes les précédentes étapes. Leur esprit est si proche de Dieu qu'ils ne connaissent rien d'autre. Cette plongée dans la contemplation divine leur fait oublier leur condition humaine. Cet état est connu sous d'annihilation de soi (Fana)

Mais ce qui a perdu sa conscience de soi ne peut plus rien ressentir. C'est comme si son état conscient était retiré de tout ce qui est palpable sauf l'objet de sa contemplation (Dieu). Mais cet état lui fait oublier que l'objectif est d'essayer de vaincre ses limitations physiques plutôt que de se perdre complètement dans la contemplation. L'Islam et les autres religions nous exhortent à nous surpasser pour posséder la connaissance Divine et non à se plonger dedans et ne plus exister. C'est la même chose qu'un homme ivre n'est pas conscient de son intoxication et qui se contente de ressentir la joie provoquée par l'intoxication. Mais cet état est toujours temporaire et c'est comme être frappé par la foudre, car il est impossible pour quiconque de s'absorber en Dieu et de le personnifier. Ainsi, on raconte que Taury a entendu le verset suivant un jour :

Dans mon amour pour Toi, j'ai atteint une telle hauteur que même marcher transforme chaque sensation en quelque chose de plus réel.

Il tomba immédiatement dans un état d'extase et s'écroula sur le sol et les poils de sa barbe devinrent si tranchants qu'ils entaillèrent ses pieds. Il reste là toute la nuit et mourut quelques jours plus tard à cause de l'hémorragie.

Dans ce niveau très élevé d'extase, l'âme est comparée à un miroir limpide. Par définition, ce dernier est incolore et reflète simplement les couleurs de l'objet qui se reflète en lui. Mais si c'est un cristal qui se reflète dans le miroir alors ce cristal est capable de refléter des choses totalement inconnues dans le miroir, car l'une des propriétés du cristal est de transmettre les couleurs. Cet exemple d'extase par Ghazzali a prouvé à certains qu'il était un fervent pratiquant du soufisme en Islam. Dans son autobiographie, il raconte comment il a quitté sa famille à Bagdad et partit pour Damas où il étudia le soufisme. Après son pèlerinage à la Mecque et Médine, il découvrit des choses insoupçonnées avec cette science qu'il refusa de transmettre, car elles étaient indescriptibles selon lui. Il arriva à la conclusion que le soufisme était l'une des meilleures manières d'atteindre Dieu et que leur enseignement était remarquable. Mais il prônait un soufisme orthodoxe qui respectait les pratiques de l'Islam jusqu'à un certain niveau. Ces nouveaux soufis respectèrent le Coran et ses traditions, mais ils l'ont interprétés d’une manière allégorique. Le mysticisme n'est pas une religion à part entière et il a toujours besoin d'un support pour se développer.

Le soufisme est une doctrine qui utilise l'Islam comme support, mais ses pratiques, son évolution et une certaine séparation des dogmes strictes l'ont rendus attirant pour de nombreuses personnes. Force est de constater que les musulmans qui s'intéressent au soufisme sont celles qui ont étés profondément déçues ou qui sont souffert des pratiques et abus de leurs parents ou de leurs communautés. Ils rejettent cet Islam qui leur a fait du mal, mais ils ne veulent pas l'abandonner pour autant et le soufisme leur donne un chemin différent de comprendre cette religion.

 

Sans doute, l’un des meilleurs livres pour comprendre le soufisme en Islam. A ne pas manquer pour les amateurs.